Dans les archives du Comité olympique des Jeux de l’époque, le sport a été présenté en épreuve de démonstration, tout comme la boxe française, sur un terrain de l’ancienne zone militaire qui encerclait autrefois Paris. « L’Espagne, (…), manifeste le désir d’être associé à ces démonstrations », peut-on lire dans le document. La France, sortie deuxième face à son unique concurrent, met repartir tout de même avec une médaille d’argent, un moindre mal.

Lors des Jeux olympiques de 1924, la pelote basque avait été présentée comme sport de démonstration.
Rapport officiel du Comité olympique français de 1924.
Son nom actuel, en hommage au légendaire pelotari Chiquito de Cambo, ne lui sera attribué qu’après-guerre. Ce dernier a d’ailleurs pu s’illustrer quelques décennies auparavant en 1900 sur le fronton de Neuilly-sur-Seine à l’occasion de l’Exposition universelle. Le terrain a été concédé dès ses débuts par la Ville de Paris à la Fédération Française de Pelote Basque pour soixante ans. Un trinquet est également réalisé en 1988.

Le trinquet Chiquito a été réalisé en 1988.
Ligue d’Île-de-France de Pelote Basque.
Cohabitation tendue
Depuis 2018, la concession a été attribuée à l’entreprise Trinquet Village. Bien que la pratique de la pelote basque perdure, portée par la présence de plusieurs clubs, l’établissement a élargi ses activités avec la mise en place de terrains de padel en 2024, et une offre de restauration et de bar jusqu’à deux heures. Mais aujourd’hui, la cohabitation entre les pelotaris et les gérants semble de plus en plus tendue. Rénovation du trinquet, soirées festives ou perte de l’esprit basque, « les engagements de départ sont loin d’être tenus et le côté sportif est passé au second plan », déplore Thierry Chaudet, président de la Ligue Régionale Île-de-France de Pelote Basque (LRIDFPB). Le dernier épisode en date a été la découverte d’une patinoire sur la place libre à l’occasion d’un marché de Noël… Savoyard.
« Des membres du club ont découvert cette installation un matin de mi-novembre », raconte Alain-Yves Detroyes, président de l’Euskal Paris Pilota. « Nous pratiquons la pala, le grand chistera et la main nue, soit un jeu presque exclusivement exercé en place libre. Cela veut dire que pendant près de deux mois, nous ne pourrons plus nous entraîner. » Un constat partagé par César Goncalves du Pilotari Paris, qui déplore un manque de communication. « C’est l’hiver, il ya donc moins de joueurs. On n’était pas contre, dans l’absolu, s’ils nous avaient prévenus. Cela aurait permis de négocier au moins la moitié du fronton pour permettre aux écoles de venir. » Selon ce dernier, l’acte ne serait d’ailleurs pas isolé et mentionné le Nouvel An chinois l’année dernière. Du côté de la Mairie de Paris, propriétaire des lieux, la Convention d’occupation du domaine public (CODP) permet ce type d’installation.

Mi-novembre, une patinoire a été installée pour le marché de Noël.
Alain Yves-Detroyes, Paris Euskal Pilota
Alexandre Nègre, président de la société, regrette lui aussi cet épisode et affirme avoir été pris de court. « Notre sous-concessionnaire, qui gère la partie bar et restauration du site, ne nous a pas concertés. Quand nous avons été mis au courant, nous avons envoyé un mail à tous les pelotaris et allons faire en sorte que cela ne se reproduise plus. » Il revendique néanmoins sa bonne foi sur la place réservée au jeu de pelote basque. « Il existait déjà une dualité entre le sport et le côté festif auparavant, nous n’avons rien inventé. Nous avons également fait le choix de donner un accès totalement libre au fronton et accueilli des grands rendez-vous comme la Ligue des Nations l’année dernière. Quant au trinquet, nous offrons une trentaine d’heures de mécénat attribuées à la Ligue pour le développement de la pratique féminine par exemple. Ce n’est pas anodin. »
L’autre nerf de la guerre est la sécurité, mis à mal par la présence du bar et les nouveaux terrains de padel. « Il n’y a pas eu de véritable accident mais c’est compliqué, affirme César Goncalves. Les joueurs de padel ne font pas attention et traversent la cancha. » « À partir du jeudi, on voit débarquer une centaine de personnes à 18 heures pour l’ouverture du bar, mais il n’existe aucune protection, regrette de son côté Alain-Yves Detroyes. Une fois, une balle s’est retrouvée dans un verre et les esprits ont commencé à s’échauffer. » Des incidents à répétition qui porteraient atteinte au nombre d’adhésions à ces clubs.
Manque de rayonnement
Concernant la question des filets pour garantir davantage de sécurité, Trinquet Village assure travailler sur le dossier. « Les tables du bar sont le plus loin possible du terrain, assure Alexandre Nègre. Pour ce qui est du padel, ce sport est très populaire aujourd’hui et permet de promouvoir le trinquet et donc d’attirer de nouvelles personnes vers la pelote basque, assez peu connue à Paris. »
Sur le manque de rayonnement, les avis semblent converger. « Beaucoup de Parisiens ne connaissent pas ce lieu, et il n’a pas du tout été mis en lumière pendant les Jeux 2024, c’est dommage », regrette Thierry Chaudet. « Les démarches ont été faites auprès de la mairie sans résultat », affirme-t-on du côté de l’entreprise privée. L’endroit avait d’ailleurs dû fermer ses portes pendant deux semaines en amont de l’ouverture. « On nous a coupé l’herbe sous le pied », termine Alexandre Nègre.

