La Cité internationale universitaire de Paris, créée en 1925, est un campus unique au monde. Elle accueille, chaque année, 12 000 étudiants, chercheurs et artistes de 150 nationalités. Pour célébrer son centenaire : arts numériques, expositions, conférences, projections et visites guidées, concerts sont ouverts au public. À l’occasion de la programmation du centenaire de la Cité internationale, nous recevons Sared Ramirez, ancienne résidente.
Cet artiste investit l’intimité des chambres étudiantes du campus avec une exposition intitulée « Nos chambres ». Pour cette cinéaste-photographe mexicaine, installée à Paris, la Cité est un véritable creuset de créativité, d’échanges et d’inspiration. Un espace catalyseur de projets artistiques et de rencontres humaines.
Je pense que la création est une pratique essentielle pour moi. Je l’ai confirmé ici.
Sared Ramirez, cinéaste-photographe.
J’avais vraiment besoin de faire autre chose à côté. Je faisais des études théoriques, j’avais besoin, pour survivre, de faire quelque chose, même si c’était du dessin ou de la photographie. Pour moi, la création, c’est une chose dont j’ai besoin pour vivre, car c’est le canal par lequel je peux déposer mes émotions et me libérer.
Sared Ramirez est née dans une petite ville près de Guadalajara au Mexique. Après ses études en communication et arts audiovisuels, elle travaille dans la publicité et la postproduction, tout en explorant la création cinématographique à travers des courts métrages. Elle décide de venir en France pour approfondir ses connaissances théoriques du cinéma. « Je suis venu en France pour faire mon maître. En tant que créatrice, cela a été difficile d’arriver dans un contexte académique, c’était à la Sorbonne Nouvelle, donc la Cité était un espace où je pouvais revenir chez moi, entourée de personnes qui m’inspiraient beaucoup. Parce qu’en fait, cela, c’est un autre aspect de la Cité : les gens que l’on peut y rencontrer, les profils variés, qui excellent dans leur domaine, qui inspirent. Pour moi, partager les Maisons avec des personnes qui, peut-être, n’étaient pas liées à ma discipline, était enrichissante. J’ai parlé avec des gens qui étaient dans la science, l’architecture, le droit, mais qui, d’une manière ou d’une autre, pouvaient m’apporter une vision plus riche de la vie et ainsi influencer mon travail aussi, en tant que créatrice. Je pense que cela donne à la création un aspect complètement différent, parce que tu sors de ta vision initiale, que ce soit à l’université ou avec tes amis, qui font du cinéma ou de la photographie, et tu deviens plus sensible et plus empathique envers les autres. »

Pour Sared Ramirez, la Cité est un lieu chargé d’histoire, où ont vécu des étudiants devenus des personnalités. « Dès mon arrivée, j’ai été étonnée par le nombre de personnes célèbres qui sont passées ici, à la Cité. Un des photographes que je connais bien, comme Sébastien Salgadohabitait la Maison du Brésil. Il a commencé à faire de la photo à la Cité, et il est venu pour étudier l’économie, il a réalisé ses projets photo. Ensuite, il a changé de voie. Des écrivains comme Julio Cortázar ont aussi résidé ici, à la Maison d’Argentine, tout comme Jean-Paul Sartre. Beaucoup d’architectes sont également passés par la Cité. »

La richesse des rencontres avec des personnes de différentes nationalités, disciplines et cultures a permis à Sared Ramirez de développer encore plus sa fibre artistique. « J’étais à la Maison du Mexique lors de ma première année. À la Cité, il y a cette notion de brassage. Toutes les Maisons doivent envoyer des résidents dans d’autres Maisons pour favoriser le mélange culturel. Il y a 60 % de résidents de la nationalité de la Maison et 30 % d’une autre nationalité. Cela crée une dynamique très intéressante, car ce n’est pas simplement une division par nationalités, mais un véritable creuset. J’ai été à la Fondation suisse, puis à la Maison Fondation Biermans-Lapôtre, et enfin, en dernière année, à la Fondation hellénique. C’est comme changer de pays, mais rester dans la même ville. J’ai eu la chance d’avoir fréquenter quatre Maisons différentes. C’est à la Fondation suisse que j’ai commencé mon projet photographique. C’est une Maison incroyable, conçue par Le Corbusier. Les chambres, notamment, m’ont beaucoup inspirée. Les couleurs, l’atmosphère, tout cela donne une sensation de bâtiment très artistique. C’est là que j’ai lancé mon projet photographique. »

La Cité Universitaire est un espace de création. Pour Sared Ramirez, il existe de nombreux moyens, comme des ateliers, des laboratoires photo, et des opportunités de projets collaboratifs, qui lui ont permis de monter plusieurs expositions. « Je fais beaucoup de choses en tant qu’artiste. J’ai expérimenté la sculpture, la photographie, le cinéma. Je suis aussi assistante réalisatrice. Je pense que je ne commence pas par la forme, mais par une idée que je souhaite exprimer. Ensuite, je cherche la forme, en laissant parfois faire le destin, avec les outils que j’ai sur le moment. À la Cité, j’avais un laboratoire photo et j’étais déjà passionnée de photo. Avec la photographie, c’était plus simple, je savais que faire du cinéma était plus compliqué, car cela nécessitait une équipe. Je savais aussi que je n’avais pas beaucoup de temps, mais je voulais tout de même raconter des histoires. Pour moi, c’est essentiel. Même dans la photographie ou la sculpture, je veux toujours transmettre quelque chose. Mon processus consiste à être attentif à ce que la vie me donne sur le moment, et à faire avec. J’avais un laboratoire photo, ce bâtiment de Le Corbusier, et des personnes très intéressantes autour de moi. J’ai décidé de faire un portrait, et j’ai raconté des histoires à travers la photographie, en laissant parler mon instinct. »

Sared Ramirez participe à la célébration du centenaire de la Cité. En s’inspirant de l’esthétique des premières photos prises sur ce campus atypique, l’artiste mexicaine a documenté les chambres des résidents. « J’ai photographié beaucoup de personnes cette année : 95 en tout, réparties dans 43 Maisons. C’est un travail intensif. J’ai passé beaucoup de temps avec chacun pour réaliser ces photos. Tous ces gens que je ne connaissais pas, je leur écrivais dans les groupes WhatsApp de chaque Maison : “Je suis photographe, je réalise un projet. Qui veut être photographié ?” La première personne qui répondait, je la choisissais et je me rendais dans sa chambre. Elle savait que je passerais. Cela créait déjà une certaine familiarité. J’ai commencé par un petit entretien enregistré, car c’est aussi un projet audiovisuel. En fin de compte, il ne s’agit pas seulement de photos, mais aussi de témoignages sonores. Je pose trois questions : nom, âge, origine, pourquoi Paris, puis la résidence, la chambre, et enfin ce qu’il pensait de la Cité. Avec ces réponses, je pourrais mieux connaître la personne et préparer la séance photo. »

« Pour la prise de vue, je demandeais à la personne d’être en action, de se mettre en scène. Par exemple, si elle aimait lire dans sa chambre, je lui demandais où elle lisait, ce qu’elle lisait. Je voulais que la photo reflète ce qu’elle faisait ou ressentait. Comme c’était de l’argentique, je ne pouvais prendre que quinze photos par chambre, donc je prenais mon temps. Parfois, les gens me proposaient de boire un café, et on discutait longtemps avant de faire la photo, pour que ce soit le plus naturel possible. »

La résidence de Sared Ramirez à la Cité U lui a permis de valoriser ses échanges avec d’autres étudiants d’horizons variés. Elle a aussi pu s’initier à d’autres formes d’art. « C’est vrai qu’en arrivant à la Cité universitaire, j’ai rencontré beaucoup de personnes qui faisaient de l’art, dans des disciplines très diverses. C’est pour cela que j’ai commencé à faire de la sculpture, même si je n’y avais jamais pensé auparavant. Quand j’ai rencontré des architectes intéressés par la sculpture, j’ai trouvé cela très enrichissant. Le mélange des profils, des disciplines, est extrêmement stimulant. Il y a une sélection très exigeante à la Cité : chaque Maison choisit ses résidents de manière rigoureuse. Parmi eux, un ami a été nommé aux Oscars l’année dernière pour son court-métrage. Ce sont vraiment des personnes très intéressantes. On est dans un environnement où l’on doit constamment apprendre et évoluer. »
Au-delà de sa démarche artistique, Sared Ramirez souhaite laisser une trace de sa génération et de son attachement à la Cité internationale universitaire de Paris. « Je viens de terminer mon maître. Mon prochain projet est de réaliser un livre pour laisser une trace, une archive de ce que j’ai fait. J’ai photographié les 43 Maisons, inspirée par les photos des années 1930. Je pense qu’il devrait faire un documentaire sur notre génération. Ce sera peut-être mon prochain projet. Je veux créer un livre imprimé, car cela restera une archive. Peut-être que, dans le futur, cela sera utile pour comprendre un commentaire sur un vécu de la Cité en 2025. Je pourrais retourner au Mexique, mais pour l’instant je suis heureux d’être ici, artiste. La France valorise beaucoup les arts, et je peux le ressentir. J’aime cette énergie. »
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