Coup de frein pour une mesure environnementale phare, ou ballon d’oxygène pour sauver l’industrie automobile en péril ? L’interdiction de vendre des voitures neuves à moteur essence ou diesel dans l’Union européenne (UE) en 2035 pourrait être associée, mardi 16 décembre, après des mois d’intenses négociations. La Commission européenne doit annoncer dans l’après-midi son arbitrage sur la révision de cette interdiction.
L’industrie automobile européenne est « en danger de mort »avait lancé en mars le vice-président de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, qui va présenter à Strasbourg des mesures de soutien au secteur, avec plusieurs autres membres de l’exécutif européen. Les constructeurs du Vieux Continent sont plombés par des ventes durablement atones, tandis que leurs rivaux chinois, dont BYD, voient leurs parts de marché s’envoler avec leurs modèles électriques aux prix attractifs.
Résultat, depuis des mois, la pression monte sur l’UE pour qu’elle revienne sur une mesure emblématique du grand pacte vert européen, adoptée lors du premier mandat d’Ursula von der Leyen à Bruxelles : l’interdiction de vendre des voitures neuves non électriques (modèles hybrides compris), à partir de 2035. « La Commission européenne présentera une proposition claire visant à abroger l’interdiction des moteurs à combustiona affirmé vendredi Manfred Weber, président du Parti populaire européen (PPE, droite), le plus grand groupe parlementaire de l’UE. C’était une grave erreur de politique industrielle. »
« Préférence européenne »
D’un côté, un bloc d’Etats qui comprend notamment l’Allemagne, l’Italie et la Pologne, défendent bec et ongles la « neutralité technologique »c’est-à-dire l’autorisation après 2035 des véhicules roulant à l’essence ou au diesel, en misant sur des innovations technologiques qui permettrontient de réduire fortement les émissions de CO2. L’Italie défend aussi les biocarburants (ou agrocarburants), une solution alternative aux carburants pétroliers. Mais leur bilan en termes de gaz à effet de serre est très décrié.
A l’inverse, la France et l’Espagne appellent l’UE à drainer le moins possible de l’objectif 2035. Selon eux, revenir sur l’interdiction des véhicules à moteur thermique saperait les investissements lourds des constructeurs pour se convertir au tout-électrique. Et cela aurait d’étouffer la filière européenne des batteries pour voitures électriques, en pleine éclosion.
La Commission doit également dévoiler mardi de nouvelles mesures pour aider ce secteur naissant, ainsi qu’un plan sur le « verdissement » des flottes professionnelles. La France milite aussi pour la « préférence européenne »c’est-à-dire l’obligation pour les industriels qui bénéficient d’aides publiques de se fournir en composants « fabriqué en Europe ». Une façon de soutenir toute la chaîne des équipementiers et des sous-traitants. « L’Europe doit d’abord récompenser les constructeurs automobiles qui vont faire le choix d’acheter des composants fabriqués sur son sol »a plaidé jeudi la ministre de la transition écologique française, Monique Barbut.
« Nos demandes ne sont pas des souhaits facultatifs, ce sont des exigences essentielles pour maintenir la rentabilité du secteur, préserver les emplois, financer la décarbonation et rester performantes face à une concurrence mondiale féroce »un résumé de Sigrid de Vries, dirigeante de l’Association des constructeurs automobiles européens (ACEA). L’ONG environnementale Transport & Environment (T&E) prévient, au contraire, que ralentir l’électrification du secteur serait « une erreur »qui creuserait encore plus le retard des Européens par rapport à la concurrence asiatique. « Si les constructeurs ont réalisé des concessions, j’espère qu’au moins ils arrêteront de polluer le débat » autour des véhicules électriques, a déclaré son directeur, William Todts.

