TL’enquête sur l’assassinat de Mehdi Kessaci, abattu jeudi 13 novembre à Marseille, a été ouverte pour “assassinat avec préméditation en bande organisée”. Elle fera la lumière sur le terrifiant mécanisme qui a conduit à l’élimination d’un homme de 20 ans, frère du militant écologiste Amine Kessaci, 22 ans, engagé dans la lutte contre la criminalité liée à la drogue. Cependant, en qualifiant les événements du mardi 18 novembre, jour des funérailles du jeune homme, de “crime d’intimidation”, le ministre de l’Intérieur Laurent Nuñez a entériné l’hypothèse selon laquelle les trafiquants de drogue auraient atteint un nouveau niveau d’influence. Ne se contentant plus en France de régler leurs comptes internes, ils ont commencé à cibler ceux qui condamnent leurs crimes ou luttent contre leur contrôle.
Mehdi Kessaci n’était pas la première victime collatérale du trafic de drogue à Marseille. Prenons Socayna, une jeune femme de 24 ans qui a reçu une balle dans la tête avec une kalachnikov le 10 septembre 2023 à Marseille alors qu’elle étudiait le droit dans sa chambre. Un garçon qui n’avait pas encore 16 ans au moment des faits attend son procès pour meurtre. Ou encore Nessim Ramdane, un chauffeur de covoiturage marseillais tué par un adolescent de 14 ans sur le point d’exécuter un contrat pour une organisation criminelle.
Mais le lien apparent entre l’assassinat de Mehdi Kessaci et l’activisme anti-trafic de drogue de son frère, Amine étant l’auteur récent du livre Marseille, Essuie tes Larmes. Vivre et Mourir en Terre de Narcotrafic (“Marseille, essuyez vos larmes. Vivre et mourir au pays du trafic de drogue”), inspiré du meurtre de leur frère aîné, Brahim, lui-même victime d’un meurtre lié à la drogue en 2020, donne à cette tragédie les dimensions d’un crime politique et d’un message d’avertissement.
Dans ce climat de peur, non seulement à Marseille mais dans de nombreuses villes et quartiers français en proie au trafic de drogue, la réunion des ministres convoquée mardi à l’Elysée par Emmanuel Macron semble à la fois essentielle pour signaler la volonté de l’État et largement symbolique, car destinée à accompagner la “montée en puissance” de la loi anti-trafic de drogue votée en juin. Ce projet de loi prévoit notamment la création, au 1er janvier 2026, d’un parquet national chargé du crime organisé, un renforcement de la répression et l’isolement des trafiquants de drogue les plus dangereux dans des quartiers pénitentiaires de haute sécurité. Mais le président, qui, contre l’avis de nombreux responsables sécuritaires, a laissé supprimer en mars le poste spécifique de préfet de police de Marseille, hésite à développer la stratégie multiforme qu’exige l’ampleur de la menace.
Le trafic de drogue fait vivre 200 000 personnes, génère un revenu annuel estimé à environ 5,5 milliards d’euros et fournit de la cocaïne à 1,1 million d’usagers. Combattre son emprise nécessiterait, outre l’application nécessaire de la loi, une politique volontariste de prévention en matière de santé, de bien-être et d’éducation ; un plan anti-corruption robuste ; et une meilleure reconnaissance diplomatique de l’influence de la drogue dans des pays comme le Maroc et du rôle de Dubaï dans cette économie criminelle.
“Un combat à mort est en cours”, prévient Amine Kessaci dans un communiqué. article d’opinion publié par Le Monde. Cet avertissement doit être pris en compte. Outre les victimes des tirs, ce sont l’État de droit, la paix civile et la démocratie qui sont visés par les trafiquants de drogue. La réponse doit être à la hauteur de leur entreprise imprudente.

