Le président destitué Umaro Sissoco Embalo est arrivé jeudi 27 novembre au Sénégal à bord d’un vol spécialement affrété par la Cédéao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), a déclaré le ministère sénégalais des Affaires étrangères dans un communiqué. Une annonce qui intervient quelques heures après que le général Horta N’Tam, qui était jusqu’ici chef d’état-major de l’armée de terre, a été investi président de la transition et du Haut commandement militaire pour diriger le pays.
Au lendemain de la prise de pouvoir par des militaires mercredi, le président destitué de la Guinée-Bissau est parti au Sénégal. L’opposition émet des doutes sur le scénario présenté par les putschistes et accuse le président sortant d’avoir « organisé » le coup d’État.
La junte qui a pris le pouvoir en Guinée-Bissau a nommé jeudi un général comme président de transition tandis que le président Umaro Sissoco Embalo, destitué la veille, a quitté le pays pour le Sénégal.
Mercredi, des militaires avaient annoncé avoir renversé le chef de l’État et suspendu les élections, dont les résultats devaient être annoncés sous peu dans ce pays lusophone d’Afrique de l’Ouest à l’histoire jalonnée de putschs et de tentatives de coups d’État.
Voici ce que l’on sait au lendemain de la prise de pouvoir par des militaires.
Élections suspendues, transition d’un an
Des militaires ont annoncé mercredi avoir pris le « contrôle total du pays »et interrompu le processus électoral juste avant les résultats des élections présidentielle et législatives du 23 novembre. Jeudi, ils ont nommé le général Horta N’Tam pour diriger une transition censée durer un an.
Ce dernier était jusqu’ici chef d’état-major de l’armée de terre, et il est désormais à la tête du Haut commandement pour la Restauration de l’ordre (HCM), mis en place par les putschistes. Il est considéré comme ayant été proche ces dernières années du président Embalo.
Mercredi, les militaires ont expliqué avoir été « poussés à le faire (le putsch) » pour garantir la « sécurité au niveau national et rétablir l’ordre ». Ils ont évoqué la découverte par les « renseignements généraux » d’un « plan visant à déstabiliser le pays avec l’implication des barons nationaux de la drogue ».
Ces renseignements généraux « ont confirmé l’introduction d’armes dans le pays pour changer l’ordre constitutionnel », selon les militaires.
Une capitale à l’arrêt, le couvre-feu nocturne levé
La capitale Bissau était jeudi à l’arrêt avec les magasins et marchés pour la plupart fermés, selon des journalistes de l’Agence France-Presse (AFP). Une forte présence des forces de l’ordre était visible dans les rues quasi désertées par la population.
Des militaires en faction quadrillent toute la zone autour du palais présidentiel, où des tirs nourris avaient créé la panique parmi la population à la mi-journée la veille, au déclenchement du putsch.
Le HCM a annoncé jeudi dans un communiqué l’interdiction de « toute manifestation, marche, grève ou action perturbant la paix et la stabilité » du pays.
Il a levé le couvre-feu nocturne imposé la veille, signe d’une certaine stabilité malgré le coup d’État, après l’annonce le même jour de la réouverture de « toutes les frontières, fermées depuis mercredi après-midi ». Il a aussi ordonné « la réouverture immédiate » des écoles, marchés et des institutions privées.
Le HCM a également nommé jeudi un nouveau chef de l’armée, le général Tomas Djassi, précédemment chef d’état-major particulier du président Embalo.
Le président destitué a atterri au Sénégal
Le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embalo, destitué mercredi, est arrivé « sain et sauf » au Sénégal jeudi à bord d’un avion affrété par ce pays, a annoncé le ministère des Affaires étrangères sénégalais dans un communiqué.
Plus tôt, le HCM avait assuré dans un communiqué que le président Embalo et l’ex-chef de l’armée Biagué Na Tam, arrêtés mercredi, étaient « en bonne santé ».
Des doutes sur le scénario présenté par les militaires
L’opposition dénonce un semblant de coup d’État orchestré par le président sortant pour la priver de sa victoire à la présidentielle.
Le candidat d’opposition à la présidentielle, Fernando Dias, a affirmé jeudi à l’AFP avoir remporté l’élection présidentielle et accuse le président sortant Umaro Sissoco Embalo d’avoir « organisé » le coup d’État pour empêcher son accession au pouvoir. Joint par téléphone, Fernando Dias affirme être « en sécurité » et se cacher dans le pays.
Plusieurs analystes interrogés par l’AFP et des représentants de la diaspora émettent également des doutes sur le scénario présenté par les putschistes. « Je doute de la véracité des allégations qui sont mises de l’avant par le Haut commandement militaire pour la Restauration de l’ordre », a affirmé jeudi à l’AFP un chercheur ouest-africain s’exprimant sous couvert de l’anonymat.
Ce coup d’État survenu la veille de l’annonce prévue des résultats provisoires des élections « vise à empêcher la prise de pouvoir par le candidat de l’opposition » Fernando Dias, estime ce chercheur.
Selon lui, « c’est le scénario idéal pour M. Embalo qui pourrait suite à des négociations être libéré et éventuellement se repositionner pour les prochaines élections ».
Le principal opposant bissau-guinéen Domingos Simoes Pereira – dirigeant du puissant PAIGC, parti historique ayant mené la Guinée-Bissau à l’indépendance – qui avait été écarté de la présidentielle de dimanche avant de soutenir Fernando Dias, a été lui aussi arrêté mercredi, selon des proches et un collaborateur.
Condamnations internationales
L’Union africaine a condamné jeudi « sans équivoque » le coup d’État et demandait la remise en liberté « immédiate et inconditionnelle » d’Umaro Sissoco Embalo.
L’Union européenne a appelé pour sa part au « retour à l’ordre constitutionnel » et à la reprise du processus électoral. « Nous appelons à un retour rapide à l’ordre constitutionnel et à la reprise du processus électoral », a déclaré dans un communiqué un porte-parole de la diplomatie européenne.
« Le décompte électoral qui a été interrompu par une intervention militaire […] doit reprendre comme prévu », et « les résultats des élections présidentielle et législatives doivent être respectés » par tous, a-t-il ajouté.

