Pays hôte de la CAN 2025, coorganisateur de la coupe du monde de 2030, demi-finaliste au Qatar, Rabat a su faire du maillot floqué « Maroc » un étendu économique, diplomatique et identitaire.
Mission accomplie. Dimanche, en fin d’après-midi, les images du stade Moulay Abdallah à Rabat, 68.000 places, ont fait le tour du monde. Malgré un crachin insistant, le stade, écrin de modernité aux fauteuils rouge vif, celui du drapeau marocain, crépitait de tous les feux pour la cérémonie d’ouverture de la CAN dont le Maroc est le pays hôte. Cette coupe africaine des nations « made in Maroc » qui se tiendra désormais tous les quatre ans a proposé un spectacle allié XXIe siècle, chanteurs en vogue et racines de l’Afrique. La cérémonie était présidée par le prince héritier Moulay El Hassan en l’absence remarquée de son père, le roi Mohammed VI. Un portrait de ce dernier trônait sur un chevalet sur la scène où le président de la Fifa, Gianni Infantino, s’est exprimé, le remerciant.
Pour le pays, cette cérémonie d’ouverture est un accomplissement. Celui du ballon marocain qui s’est imposé dans l’opinion mondiale depuis le Mondial au Qatar en 2022. Les Lions de l’Atlas, le surnom de l’équipe, s’étaient hissés jusqu’en demi-finale en pratiquant un jeu engagé, les onze lions devenant le porte-drapeau du monde arabo-musulman, un emblème identitaire et une marque. Et le faisant dans les stades du premier pays arabe à organisateur pareille compétition. Conséquence, dans les bazars de Kuala-Lumpur comme du Kenya, on peut désormais chiner des maillots floqués « Maroc ». Une première pour une équipe d’un pays arabe. Pour le Royaume, le pied est devenu une des composantes de la marque « Maroc ». Et le sport le plus populaire au monde permet d’affirmer le pays au monde entier.
Une dimension identitaire
Sous la houlette de Mohammed VIqui a succédé à feu son père Hassan II le 23 juillet 1999, le fameux « soft power » marocain, ce « faire-savoir » du savoir-faire, a changé de nature. Il a agi et agit toujours en coulisses, mobilisant ses élites à travers le monde, faisant le médiateur (libération des otages français au Burkina Faso) mais ne fait plus mystère de ses ambitions que ce soit sur le Sahara Occidental comme dans le dossier foot. Le Maroc forme des imams par centaines afin de contrer la montée de l’islamisme radical, se construit en un hub entre l’Afrique et l’Europe, hub économique, bancaire, logistiques… Avec le sport, le foot, le Royaume s’offre une nouvelle ambition : se doter d’une équipe capable de rivaliser avec les cadors en activités, éliminant l’Espagne et le Portugal au Qatar ; organisateur coup sur coup deux événements footballistiques majeurs. La marque « Maroc » se façonne dans ces chantiers-ci. Depuis son glorieux parcours en 2022, les Lions de l’Atlas sont soutenus par des centaines de millions de supporters. Ils incarnent, outre les valeurs sportives, l’identité arabo-musulmane. Cette équipe manquait au tableau, le Maroc l’a créé. Ainsi que les milliards de vus qui vont avec, les milliards qui ruissellent sur l’image et l’activité économique marocaine (tourisme, IDE.).
Une dimension économique
Le foot, l’organisation de la CAN 2025 puis de la coupe du monde de football 2030 avec l’Espagne et le Portugal, s’inscrit dans la politique de développement voulue par M6 : infrastructures, grands chantiers, faire du pays un hub… Du nord au sud du pays, de Tanger Med, port fiché à quatorze kilomètres des côtes espagnoles et donc de l’Union européenne, jusqu’aux projets titanesques initiés au Sahara Occidental (agriculture, énergies vertes, port, aéroport), les projets sont légion.
La CAN 2025 est une préfiguration de la coupe du monde 2030. Depuis le 21 décembre, ce sont vingt-quatre équipes qui se sont installées dans des conditions cinq étoiles. Chacune bénéficie de son propre hôtel (5 étoiles) et de son centre d’entraînement. Rabat veut hisser les standards au niveau d’une coupe du monde. Pour son équipe nationale, une politique de formation et des moyens importants ont été décidés. Le centre de formation, l’académie Mohammed VI de football, est de très haut niveau. Pour 2025 et surtout 2030, un budget de cinq milliards d’euros a été accordé pour édifier et/ou moderniser des stades, construire des LGV (Lignes à grande vitesse), mettre en place toutes les infrastructures nécessaires à l’accueil des visiteurs qui pourraient se compter par millions en 2030.
Une diplomatie tous azimuts
Pour parvenir à ses fins, devenir un acteur important du foot, en utiliser les colossales retombées médiatiques afin de développer l’économie nationale, le Royaume a mis en place une stratégie complexe. Diplomatiquement, il a mobilisé les soutiens en sa faveur ; administrativement, les dossiers rendus ont été jugés à la hauteur ; économiquement, il a débloqué les moyens nécessaires pour accomplir son dessein. Ce que, d’ailleurs, la GENZ 212 lui a reproché en manifestant, jugeant que cet argent devrait aller dans les hôpitaux et les écoles. Ce sera un défi pour le monarque : transformer ce succès à l’international en un succès auprès de sa population. Une victoire des Lions serait évidemment son petit effet. À suivre.

