
Une étude internationale vient de montrer que la répartition des grands herbivores sur le continent africain, comme les éléphants et les girafes, était liée à la teneur en sel des plantes. La mégafaune africaine est-elle en manque de sel ?
Le sel est indispensable au métabolisme de tous les animauxles humains comprennent, mais certains en ont plus besoin que d’autres. Des chercheurs danois ont montré en 2023 que le besoin en sel des mammifères augmentait avec leur taille. Plus ils sont grands et plus ils ont besoin de sel, de sodium, qu’ils doivent donc trouver par tous les moyens. Nathaniel Herzberg, dans le journal Le Monde, nous apprend que les singes se battent pour les plantes les plus salées, que les ongulés lèchent les pierres et que les éléphants creusent des puits en quête de sodium. Et qu’il suffit d’installer des pains de sel dans les réserves pour attirer les animaux sauvages. Mais ce que vient de montrer l’équipe de chercheurs danois et internationaux dans une nouvelle étude parue le 9 décembre dans la revue Écologie et évolution de la nature, c’est que la répartition des grands herbivores africains correspond exactement à la carte du sel. Les girafes, les éléphants, les rhinocéros vivent là où les plantes sont les plus salées. Ce qui permet de résoudre un mystère : celui de l’absence de mégafaune dans l’ouest et le centre du continent où la nourriture, la végétation, ont beau être abondantes, il n’y a pas assez de sel pour les besoins des grands herbivores.
Le sel pourrait-il être un marqueur de l’absence, mais aussi de la disparition, des grands mammifères sur le continent comme ailleurs ?
C’est ce que soutient à juste titre l’écologue André Abraham de l’université d’Aarhus au Danemark, auteur principal de cette étude qui incite à reconsidérer sous un nouvel angle, celui du sel, la quasi-disparition. On peut aujourd’hui parler d’extinction de la mégafaune africaine, en conjonction, comme le rappelle le chercheur, avec la sur-chasse et l’infertilité de certains sols. Et Andrew Abraham d’ajouter qu’à l’inverse, dans les régions où une haute concentration en sel se cumule avec le manque d’eau, comme dans la corne de l’Afrique ou le désert du Namib, le sel, qui ne peut être éliminé, s’accumule dans l’organisme des animaux, rendant également la vie impossible.
Sachant que l’apport en sel est lié aux changements climatiques, qui modifient les régimes des vents et l’apport en sel marin, cette étude vient à point nommé. Elle nous éclaire à la fois sur le passé des grands mammifères herbivores, qui ont pu être limités par le sel dans de nombreuses régions du monde, mais également sur leur avenir. Le changement climatique en cours, avec sécheresses intenses et pluies diluviennes qui lavent le sol de toute trace de sel, poussent les grands herbivores à migrer à leurs risques et périls, partout dans le monde. Nathanaël Herzberg rappelle qu’au nord de l’Europe, ce sont les élans et les rennes qui sont attirés par le salage des routes, souvent au péril de leur vie. Avec ou sans sel, le monde n’a pas le même goût. Il est temps d’en prendre la mesure.

